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Les entreprises familiales : Établir des règles
pour bâtir des liens solides entre frères et soeurs

Par Aron Pervin, CMC

Les relations entre frères et sœurs sont parfois complexes et instables. Cette situation est plus problématique lorsqu’ils travaillent dans l’entreprise familiale.

Vous pouvez partager avec vos frères et sœurs d’agréables souvenirs que ce soit les voyages en voiture ou les animaux de compagnie qui ont marqué votre enfance. Vos frères et sœurs savent de qui vous parlez quand vous évoquez votre père et votre mère. Ils peuvent aussi vous faire rire aux larmes. Cependant, ils peuvent également remuer de vieux souvenirs moins agréables, ne jamais manquer une occasion de vous remémorer certains événements humiliants, vous donner des sobriquets blessants et vous traiter comme un enfant.

Réunissez tous ces ingrédients autour d’une table de conférence et vous assisterez à des débats houleux.

Souvent, les conflits portent sur des questions d’ordre pratique. Un frère ou une sœur peut-il ou peut-elle relever de son frère ou de sa sœur ? La hiérarchie dans l’entreprise doit-elle être organisée en fonction de l’âge des frères et sœurs ? Pour assurer la paix dans l’entreprise, les frères et sœurs doivent-ils céder devant l’insistance d’un ou d’une des leurs pour occuper un poste clé et se résoudre ensuite à travailler autour de lui ou elle ?

Tout dépend des cas. Toutefois, les conflits au sein des entreprises familiales ont des origines communes. En effet, les frères et sœurs ont les mêmes parents et partagent les mêmes souvenirs mais ils ont des points de vue et des cheminements différents parce qu’ils ne sont pas tous nés à la même époque et parce que le milieu familial a changé au fil des années.

De plus, en Amérique du Nord, les relations entre frères et sœurs adultes ne suivent pas de règles particulières d’un point de vue culturel. En d’autres termes, les frères et les sœurs n’ont pas de responsabilité conjointe, sauf celles de s’occuper de leurs parents qui vieillissent et de veiller aux intérêts de l’autre « enfant de la famille, » l’entreprise familiale.

Mais entre eux, ils n’ont pas d’obligation d’amour, de respect, de protection ni même d’harmonie les uns avec les autres.

Contrairement aux autres liens de pa-renté ou d’amitié, le lien fraternel ty-pique dans la culture de classe moyenne est ambivalent – il est à la fois teinté d’attachement et de détachement.

Les parents tentent d’intéresser leurs enfants à l’entreprise familiale mais, parce qu’ils ne savent tout simplement pas comment, ils ne leur sont pas d’un grand secours quand vient le temps de les aider à vivre ensemble. Ainsi les enfants se trouvent devant une double impasse : ils ont une obligation et pas de mode d’emploi.

Marcel était un honnête entrepreneur type. Toute sa vie, il avait enseigné à ses filles et à ses fils combien il était important d’être indépendant. « Je ne pourrais pas travailler pour quelqu’un d’autre, disait-il. Je dois mon succès au fait que j’ai toujours pris moi-même les décisions. »

Lorsque ses enfants sont devenus des adultes, il a vivement souhaité que l’entreprise demeure dans la famille. Il a demandé à ses enfants de prendre la relève et de la gérer en équipe. Il ne comprend pas comment ses enfants en sont venus à se disputer.

« Consultez-vous entre frères et sœurs! disait Marcel. Comment se fait-il que vous n’arriviez pas à vous entendre ? » Il ne réalisait pas que ses enfants ne faisaient qu’appliquer les principes d’indépendance qu’il leur avait enseignés. Il leur a même offert de les « aider » à diriger l’entreprise tous ensemble, une idée farfelue parce que lui-même n’avait jamais appris à travailler avec d’autres.

Ce genre de situation est fréquent. Si les membres de la famille n’éta-blissent pas de règles de fonctionnement entre eux, s’ils ont des points de vue différents sur l’orientation de l’entreprise familiale et s’ils ne s’entendent pas sur la façon dont elle doit être gérée, les conflits sont presque inévitables. Les entreprises familiales doivent être exploitées dans le cadre de règles établies, sinon c’est l’échec.

Comment les frères et sœurs peuvent-ils établir des règles justes qui les aideront à travailler ensemble malgré leurs divergences d’opinions sur la gestion de l’entreprise familiale ? Ils doivent d’abord reconnaître que leur relation comporte trois volets.

Dans une situation donnée, l’interrelation sera fondée sur leur lien en tant que frères et sœurs, dans d’autres situations, sur leur lien en tant qu’actionnaires et, dans d’autres cas, sur leur lien en tant que dirigeants de l’entreprise. Chaque type relation doit avoir ses propres règles.

La famille : Les frères et sœurs doivent définir, idéalement par écrit, le genre de famille qu’ils forment et la nature du lien qui les unit. Ils doivent s’interroger sur ce que la famille représente pour eux et sur l’héritage veulent-ils laisser, s’il y a lieu.

Les actionnaires : Les propriétaires de l’entreprise – qui n’en sont pas nécessairement les dirigeants – doivent établir les objectifs qu’ils poursuivent et décider de l’héritage qu’ils veulent laisser à leurs successeurs. Qui peut détenir des actions ? L’objectif est-il de bâtir un empire qui assurera la formation et des emplois à tous les membres de la famille ? S’agit-il plutôt de laisser un héritage à leurs enfants ? Envisage-t-on de vendre l’entreprise avant que la génération suivante grandisse ? Permettra-t-on à un actionnaire d’acheter la part des autres ? Tout le monde doit être sur la même longueur d’ondes à cet égard.

Les dirigeants : Les dirigeants éta-blissent les règles de gestion de l’entreprise. Un frère ou une sœur peut-il relever d’un de ses frères ou de ses sœurs ? Quel est le salaire rattaché à chaque poste ? Quelle information doit être partagée et à l’intérieur de quel délai doit-elle l’être ?

En divisant leurs relations en trois catégories, les membres de la famille peuvent décider si un conflit donné concerne le lien entre frères et sœurs, le lien entre actionnaires ou le lien entre dirigeants et ensuite appliquer les règles établies. Cela signifie également que, si vous ne pouvez vous plier à une règle établie dans une catégorie de lien, vous pouvez tirer votre révérence sans que votre position dans les autres catégories de lien ne soit touchée. Par exemple, si vous ne pouvez vous résoudre à travailler sous la supervision de votre frère ou de votre sœur mais que les règles établies vous y obligent, vous pouvez changer d’emploi. Votre statut d’actionnaire et celui de membre de la famille n’en seront pas touchés.

Pour « créer » des liens solides entre frères et sœurs, il faut y mettre des efforts. Une fois que vous avez pris la décision de travailler avec vos frères et sœurs, il ne faut pas perdre de vue que ce lien n’est pas parfait. Si vous êtes déterminé(e) à travailler fort et avez la volonté de ne pas tout garder pour vous, il est possible de bâtir des relations rentables, voire même étroites avec vos frères et sœurs.


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Revisé le 2 avril 2002